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Écrit par Ashmaël   
Samedi, 11 Février 2012 19:11

 

-Alors ca y est, on a perdu la guerre ?

La voix te fait sursauter, tu ne t'attendait pas à ce qu'elle se réveille si tôt. Tu t'arrache a la contemplation des immeubles vides et a ton reflet pale dans la fenêtre, et tu lui souris a travers la fumée de cigarette en guise de réponse. Elle n'est pas spécialement belle, mais dans les premières lueurs du jour, elle pourrait faire s'écrouler des royaumes, ses cheveux noirs retombent en cascade sur ses épaules et ton regard s'attarde sur la pointe d'une mèche qui dessine un point d'interrogation a l'envers sous son téton droit. Tu oublierait presque les veines visibles sous sa peau, les petites cicatrices qui parcourent son corps et la répulsion qu'il t'inspirait, nu et rutilant , couvert de sueur au point de devenir collant, se tortillant sur le tien en le recouvrant de fluides, pour peu, tu aurait dégueulé tripes et boyaux. S'oublier de cette façon ne marche plus.

Elle se redresse et le drap glisse du lit moite, révélant le haut de ses cuisses et la touffe de poils soigneusement taillée qui s'y blottis. La nausée te saute au visage et tu t'agrippe au rebord de la fenêtre pour ne pas tituber.

-assez parlé de ça, dit elle en te souriant

 

 

(une canine est légèrement ébréchée)

le « blitzkrieg contre la libre pensée » qui t'obsède tant. tu compte faire quoi ?

(les yeux injectés de sang)

ca fait quand même une semaine que tu est enfermé dans cette piaule dégueulasse, a ne rien faire d'autre que fumer et sniffer ou te piquer avec je ne sais quoi.

(un poil court près du téton)

je pensait que tu avait besoin de moi pour trouver l'inspiration, tu a écris cette nuit quand je dormait ?

(rouge)

Le dégout te prend a la gorge, tu as la tête qui tourne, les jambes qui tremblent, tu sens le sang battre aux tempes, le rythme t'emplit la tête, un voilà rouge tombe devant tes yeux. Un spasme violent semble déchirer ton ventre et tu tombe a terre en vomissant de la bile. Les tremblements s'intensifient, tu essaye de te concentrer sur ton souffle, tout semble de plus en plus lointain, tu entend sa voix, comme si elle venait de la pièce a coté, sans comprendre un seul mot. Le souffle, concentre toi sur le souffle. Tu remarque un picotement au niveau de ta main, la cigarette encore allumée te brule le doigt, c'est con, il fallait qu'elle tombe la.

Tu doit lutter contre l'oubli, lutter contre le rouge. Tout est si loin, rien n'est important au final ou est ta respiration.

Noir.

 

Une guerre éclair contre la pensée ? Y'a vraiment que moi pour penser a un truc comme ca, quel con. Et pourtant ca semblait être une bonne définition. Qu'est ce qu'il s'est passé ? A quel moment est ce que tout a basculé ? Impossible de savoir, ca s'est probablement fait progressivement, tout d'abord impossible de me regarder dans un miroir, et puis le visage des autres, leur attitude, un truc dans leur voix. Ça a commencé comme une douleur sourde au niveau des tempes, et puis ca empiré. Toute cette haine, ce dégout. Il fallait chercher l'oubli, le sexe, les drogues, l'isolement. Je me suis créé mon monde, j'étais le roi du matelas troué, la prince de la peinture écaillée, le dieu penché au dessus d'une cuvette de chiottes pleine de traces de rouille, un dieu quand même. Et puis les rêves ont commencé, toujours flous, toujours impossibles de s'en souvenir au réveil. Mais bien présents, comme une voix qui murmure dans un coin de mon cerveau que rien de tout cela n'est vrai, que dans l'oubli se trouve les réponses, qui me montre toutes ces choses horribles qui m'entourent quand je suis éveillé. Je perd la raison. Putain je deviens carrément cinglé. Et pourtant, pourtant je suis bien, bientôt, tout sera fini, l'isolement est salutaire, bientôt je retrouverait ma liberté, je serait a nouveau un dieu de lumière. Je brille, ma lumière est aveuglante.

 

Tu reprends doucement tes esprits, ton corps engourdi, comme pris dans d'épais fils gris tissés par une araignée fantôme. Les draps sont moites, trempés par ta sueur, défaits comme si tu t'était battu. Tu la cherche du regard, elle ne doit pas être loin, tu sens le matelas encore imprégné de sa chaleur.

(non)

Une douleur sourde traverse ton crane, tu oublie ce que tu cherchait.

(rien de tout cela n'est vrai)

Tu attrape un paquet de cigarettes froissé sur la table de chevet bancale, la première bouffée t'étrangle mais ce n'est rien comparé a l'ivresse que procure la suivante, tu te lève et te dirige vers la salle de bain, une douche glacée te réveillera surement. Pourtant, tu te plais dans cette torpeur, comme si le fait de t'en sortir t'arrachera quelque chose. Il va falloir que tu sorte aujourd'hui. Que tu affronte la lumière du jour, et les autres. Elle te manque terriblement. Tu as besoin de sa présence pour te rassurer, même si tu la supporte a peine, elle est la seule qui te te comprend, ou qui joue extrêmement bien la comédie.

(Ce n'est pas fini)

Tu t'habille un peu paresseusement, la douche t'a revigoré, tu te sens de bonne humeur, et si tu déjeunait dehors aujourd'hui ? Tu ne sais même pas quelle heure il est.

Peu importe, cette journée s'annonce intéressante.

Mise à jour le Jeudi, 22 Mars 2012 21:27